« Fidel Castro, c'était un peu l'image de David contre Goliath. Il a survécu à de très nombreuses tentatives d'assassinat et de déstabilisation. » Sebastian SANTANDER
Fidel Castro est mort vendredi soir. Vénéré par certains, détesté par d'autres, sa disparition marquera une étape pour l'île.
Interview : François-Xavier GIOTFidel Castro s'est éteint vendredi soir à l'âge de 90 ans. Pour Cuba, une page importante se tourne même si la transition avait déjà été initiée par le leader révolutionnaire, comme l'explique Sebastian Santandeur, politologue à l'ULG et spécialiste de l'Amérique latine à l'ULG.
Sebastian Santander, Fidel Castro était une figure clivante, autant vénérée que détestée, pourquoi ?
Nombreux de ceux qui le détestaient sont des réfugiés cubains installés à Miami, issus de la première vague d'immigration, des dinosaures qui ont été victimes des politiques que Fidel Castro a mises en place, la grande bourgeoisie cubaine. Ils le détestaient parce qu'avec la révolution, ils ont perdu leurs biens. Ils considè rent que Fidel Castro a bradé le pays, l'a paupérisé. Et que c'est pour ça que le pays est à un niveau de développement faible aujourd'hui. Ils critiquent aussi le régime autoritaire qu'il a mis en place et qui a envoyé en prison des opposants politiques.
À l'opposé, il était aussi adulé ?
Oui, parce que c'était un peu l'image de David contre Goliath. Durant cinq décennies, Castro a été au pouvoir et a vu se succéder 11 présidents américains. Il a survécu à de très nombreuses tentatives d'assassinat et de déstabilisation par la première puissance mondiale. C'est quelqu'un qui était porteur d'un modèle de société alternatif au modèle capitaliste, ça a fait rêver un certain nombre de gens, notamment durant la guerre froide.
Ce n'est pas la seule raison ?
C'était un homme charismatique, très doué pour la communication. C'était un homme d'État, qui avait une vision de la société, une vision du monde, qui a pesé sur les relations internationales puisqu'il s'est allié avec l'Union soviétique contre les ÉtatsUnis, même si ce n'était pas sa volonté première.
Il y a aussi tout le volet social.
Il a réussi à mettre en application toute une série de politiques qui ont permis à Cuba d'avoir un taux d'alphabétisation très élevé, des politiques sociales, de santé. Pour le reste de l'Amérique latine, c'était très rare (NDLR : lire cidessous). Et puis il incarnait tout le mythe de la révolution. Il a cherché avec son ami Guevara à exporter son modèle de révolution cubaine en Afrique ou à travers le monde, notamment en Angola.
Ce temps est révolu. Aujourd'hui, Cuba a amorcé son ouverture. Celle-ci va-t-elle s'accélérer ?
Raul Castro a engagé le pays dans une ouverture progressive. Il n'a pas attendu son frère pour le faire. Même si Fidel Castro, dans les années 90, s'était rendu compte qu'il était important d'ouvrir le pays parce que, avec la fin de l'URSS, le pays s'effondrait et la pérennité du régime castriste était remise en question.
Quelle forme a pris cette ouverture ?
Il a notamment ouvert le pays au tourisme, à l'horeca et l'arrivée du dollar, avec la mise en place de deux économies à Cuba. Mais ce qui s'est développé sous cette pé riode, c'est aussi la prostitution. Il a alors voulu resserrer les vis et mettre une limite à la circulation du dollar, contrôler cette ouverture à cause de ses effets pervers. Je pense que Fidel Castro avait déjà entamé le mouvement dans lequel Raul Castro après s'est inséré. Même si Fidel Castro n'a pas accueilli avec beaucoup de positivité l'ouverture avec les ÉtatsUnis.
Ne s'agit-il pas d'une posture, pour préserver le mythe ?
Il ne faut pas oublier qu'il a beaucoup fondé sa défense sur l'antiaméricanisme et que les ÉtatsUnis ont tenté d'étouffer l'île durant presque 50 ans. L'embargo, commencé sous Eisenhower, n'a cessé d'être renforcé. Il est clair qu'il y a des ressentiments par rapport aux ÉtatsUnis. Mais Raul Castro se veut pragmatique et pense que Cuba a intérêt à attirer les entreprises américaines.