L'Amérique latine en mouvement(s) : enjeux et outils d'analyse
Proposition de section thématique
RELAM - OPALC
Rappel : vendredi 18 novembre 2016 - date limite pour envoi de communications pour le Congrès des Associations Francophones de science politique, 17-19 mai 2017, UQAM.
Co-organisateurs
Françoise Montambeault, Université de Montréal et Réseau d'études latinoaméricaines de Montréal
Olivier Dabène, Sciences-Po Paris et Observatoire politique de l'Amérique latine et des Caraïbes
Dans la foulée des transformations politiques, sociales, économiques et institutionnelles qui ont marqué la région depuis les trois dernières décennies, l'Amérique latine émerge désormais comme une région en mouvement en mouvement(s) : mouvements sociaux, mouvements migratoires, mouvements politiques. Quelle est la nature et quels sont les enjeux de ce(s) mouvement(s)? Comment l'expliquer? Plus globalement, comment étudier la réalité politique, sociale, économique et institutionnelle d'une région en transformation? La section thématique organisée à l'initiative d'une collaboration entre le Réseau d'études latinoaméricaines de Montréal (RELAM) et l'Observatoire politique de l'Amérique latine et des Caraïbes (OPALC) invite les contributions théoriques et empiriques alimentant la réflexion sur ces questions, organisées en huit ateliers aux thématiques plus spécifiques.
Atelier 1 : La participation citoyenne en dérive? Approches pour l'étude des legs des innovations participatives en Amérique latine
Frédéric Louault, Université libre de Bruxelles
Françoise Montambeault, Université de Montréal
La mise en place de dispositifs participatifs s'inscrit dans un ensemble d'innovations politiques qui se sont développées en Amérique latine. L'enthousiasme qui a accompagné le développement et la diffusion des initiatives participatives a toutefois laissé la place à une série de mises en perspective plus critiques dans la science politique (Wampler, 2007; Baiocchi et. al., 2011; Montambeault, 2014 ; Garibay et. al., 2015). Après 25 ans, les chercheurs peinent encore à évaluer de manière adéquate la façon dont ces dispositifs restructurent les relations entre État et société (Wampler & McNulty, 2011), la façon dont ils transforment les rapports à la citoyenneté démocratique dans la durée, ou encore leur rôle dans les processus de politisation des participants.
Alors que de nombreux acteurs en font aujourd'hui la promotion comme outils de bonne gouvernance, certains de ces dispositifs tendent paradoxalement à se désinstitutionnaliser. Que reste-il d'expériences telles que les budgets participatifs ou les conseils communaux, par exemple ? Au-delà des retombées concrètes qui ont d'abord été observées à partir d'études monographiques ou comparatives (inversion des priorités, redistribution de la richesse, reddition de comptes, etc.), quels sont les legs de ces dispositifs qui se sont développés pendant plus de deux décennies en Amérique latine ? Ces expériences ont-elles contribué à restructurer l'État, la société, et les individus qui les composent? Cette section s'intéresse à la fois aux legs des dispositifs participatifs, mais aussi à leur (dés)institutionnalisation. Il s'agira de faire émerger de nouvelles approches théoriques et méthodologiques pour l'étude des legs des « innovations » participatives en Amérique latine. Il s'agira également, à travers les échanges entre les participants, de retravailler le concept d' « innovation démocratique », qui constitue encore un impensé dans la littérature sur les changements dans les démocraties contemporaines d'Amérique latine.
Atelier 2 : Un nouveau cycle de mobilisations sociales en Amérique latine ?
Olivier Dabène, Sciences-Po Paris
Jean-François Mayer, Université Concordia
L'épuisement du cycle de croissance économique en Amérique latine met en péril les progrès sociaux accomplis durant les années 2000 et met en exergue les projets de développement socioéconomique reste inachevés. Face au retour des politiques d'austérité, diverses catégories de la population font état de leur préoccupation dans la rue. Ces protestations classiques appuyant des revendications sociales et économiques s'ajoutent à d'autres formes de mobilisations sociales portant sur des thématiques post-matérialistes (mariage pour tous, dépénalisation des drogues, avortement) et empruntant des registres de mobilisation distincts (réseaux sociaux, art). Ce panel cherche à attirer des contributions tant empiriques que théoriques ou méthodologiques abordant les motifs, registres et impacts des diverses mobilisations sociales de l'Amérique latine en phase de post-croissance.
Atelier 3 : Violence et villes fragiles en Amérique latine
Tina Hilgers, Université Concordia
Matthieu de Nanteuil, IACCHOS / UCLouvain
Les taux de violence urbaine en Amérique latine ont augmenté de façon spectaculaire au cours des dernières décennies. Les taux d'homicides sont parmi les plus élevés dans le monde, la criminalité est endémique, et les citoyens vivent dans la peur de fusillades, d'enlèvements, d'extorsion, de vols et de viols. La police, l'armée, et les acteurs non étatiques armés - y compris les groupes criminels organisés, les trafiquants de drogue, les gangs, les milices et paramilitaires - sont engagés dans des batailles pour le territoire et le soutien civil. Dans les villes fragiles, l'Etat a perdu le contrôle de certaines parties du territoire à concurrence des groupes armés, qui imposent leurs propres formes de loi sur les résidents. Invariablement, ces villes sont caractérisées par un mélange de pauvreté, d'inégalité, de marginalisation et de ségrégation spatiale des classes socioéconomiques. Ce panel examine comment les gens parviennent à vivre dans la ville fragile. Comment fonctionnent et s'adaptent t'ils? Sont-ils en mesure de développer ou de progresser dans leurs aspirations? Les participants du panel considèrent diverses méthodes employées par les individus et les communautés pour faire face au contexte de violence, allant des mécanismes d'adaptation aux actions transformatrices.
Atelier 4 : Multiples théories pour l'analyse des politiques publiques en Amérique latine
Melina Rocha Lukic, Fundaçao Getulio Vargas
Carla Tomazini, Université Paris 3 (IHEAL-CREDA)
Norma Muñoz del Campo, Universidad de Santiago de Chile
Dans le contexte actuel de crise qui affecte les sociétés latino-américaines, l'analyse des politiques publiques a besoin - plus qu'avant - de propositions "multivariables" pour prendre en considération les différents points de vue afin de mieux comprendre la réalité étudiée. Cet atelier propose d'intégrer de multiples théories - surtout par l'approche des « trois i », institutions, intérêts et idées - dans l'étude des politiques publiques en Amérique latine. Cela afin de susciter un débat qui contribue à la littérature sur le changement institutionnel et de réforme dans un contexte marqué par la mondialisation, l'incertitude et la crise politique et économique. Il est également proposé de discuter des outils méthodologiques pour l'étude des politiques publiques. On propose ainsi l'intégration des théories qui mettent en évidence non seulement l'importance des approches institutionnelles qui modèlent des comportements ou expliquent comment les institutions changent ou évoluent ; mais aussi des théories révèlent « la puissance des idées», comme les mécanismes qui créent des institutions et les changements dans l'étude de l'action publique contemporaine.
Atelier 5 : Médias et politique en Amérique latine : autonomie et dépendances
Julian Durazo Herrmann, UQAM
Erica Guevara, Université Paris 8 - Vincennes St-Denis
Pendant les quinze dernières années, les médias ont souffert de profonds bouleversements en Amérique latine. D'une part, dans plusieurs pays, l'arrivée de présidents très dynamiques sur la scène médiatique et interventionnistes en matière de régulation du secteur des médias a conduit à un affrontement direct et à la polarisation des opinions lors de véritables « guerres médiatiques », ébranlant ainsi la relation traditionnelle entre gouvernements et médias. D'autre part, la diffusion des nouvelles technologies et le développement des infrastructures de communication a permis l'apparition de nouveaux acteurs médiatiques, dont de nombreux médias militants qui ont ont conduit à une concurrence accrue sur le marché des médias. Ces nouvelles technologies impliquent cependant aussi des nouveaux phénomènes de concentration qui limitent les voix et les sujets présents sur l'espace public latinoaméricain et permettent à certaines élites d'acquérir ou maintenir le pouvoir politique. Dans ce contexte, les relations entre médias et politique prennent des formes de plus en plus complexes, les médias jouant souvent le rôle d'acteur politique à part entière, notamment dans le choix des enjeux et des acteurs des débats publics. Cette section thématique propose d'interroger ce champ nouveau en en explorant l'imbrication actuelle entre médias et politique dans en Amérique latine. Nous invitons donc des propositions de communications touchant à ce sujet, que ce soit d'une perspective thématique ou à partir d'un cas d'étude.
Atelier 6 : Régionalismes latinoaméricains : Au-delà de l'épuisement et de la résilience face au changement de cycle politique
Kevin Parthenay, Sciences-Po Paris
Gordon Mace, Université Laval
L'Amérique latine et ses ordres régionaux sont aujourd'hui autant d'espaces traversés par des mouvements de personnes, de capitaux et de commerce, et par des idées qui n'obéissent plus ni se confinent aux frontières étatiques traditionnelles. Les régionalismes latino-américains ont tenté d'apporter des réponses à ces problèmes transnationaux (sécurité, santé, environnement) ou globaux (développement, insertion économique) qui tendent à dépasser la seule échelle étatique. Toutefois, l'Amérique latine fait aujourd'hui face à un changement de cycle politique et le régionalisme latino-américain en subit directement les conséquences. La destitution de Dilma Rousseff, la crise politique et humanitaire au Venezuela, le rapprochement entre Cuba et les Etats-Unis et le durcissement du pouvoir au Nicaragua sont autant de nouvelles conjonctures face auxquelles chacun des systèmes régionaux (UNASUR, MERCOSUR, SICA, CELAC entre autres) doivent répondre et/ou s'adapter. De nouvelles dynamiques globales, notamment le tournant vers l'Asie, tendent également à donner lieu à nouvelles initiatives régionales comme l'atteste la vitalité de l'Alliance du Pacifique.
Alors que le débat académique oscillait déjà entre l'épuisement du régionalisme (Gardini & Malamud 2012) et la résilience (Dabène 2009 ; Riggirozzi 2015 ; Briceño-Ruiz & Morales 2016) et alors que les nombreux travaux portant sur le régionalisme « post-hégémonique », « post-libéral » ou « post-commercial » (Sanahuja 2012 ; Tussie & Riggirozzi 2012) ont montré leurs limites, il est nécessaire d'établir un diagnostic sur l'état du régionalisme latino-américain dans une période en pleine mutation. Pour établir ce diagnostic et caractériser la nature contemporaine du régionalisme latino-américain, cet atelier tentera de mettre en avant une approche centrée sur les acteurs. Elle cherchera à offrir un panorama concret du fonctionnement de chacun des ordres régionaux (Börzel & Risse 2016) du sous-continent en portant un double regard sur les acteurs et sur les institutions. Une attention particulière sera portée sur la manière dont les acteurs nationaux et régionaux se saisissent des normes régionales, sur les interactions entre les Etats et les organisations régionales ainsi que sur le personnel politique et techniques intervenant sur les questions régionales. Cet atelier tentera de décentrer le regard en abordant le « régionalisme au concret », notamment à travers ceux qui participent au quotidien au processus de prise de décision (decision-making) et contribuent à façonner les conceptions institutionnelles (institutional design).
Atelier 7 - L'enjeu ethnique dans les sociétés et les diasporas latino-américaines
Victor Armony, UQAM
Veronica Calvo, Sciences-Po Paris
Ce panel propose un espace d'analyse et de discussion sur l'ethnicité comme vecteur d'appartenance et de mobilisation collective en Amérique latine ou en contexte diasporique. Loin d'une vision primordialiste, l'ethnicité est comprise comme un fait social, résultant d'un processus de construction de frontières entre des groupes et entre des catégories de la population. S'intéresser à l'ethnicité implique donc examiner les modes d'identification et de représentation qui sous-tendent l'expérience des acteurs, ainsi que les mécanismes de l'inégalité (politique, économique, culturelle) qui leur sont associés. Les présentations dans ce panel porteront, entre autres, sur les luttes pour la reconnaissance des peuples indigènes, sur les revendications des minorités afro-descendantes, sur l'intégration et les conditions de vie des immigrants, sur les dynamiques transnationales de la mobilité, etc. Le fil conducteur en sera la problématisation du rôle de la « différence » ethnoculturelle ou ancestrale dans les rapports sociaux.
Atelier 8 - Les crises institutionnelles, les leaderships présidentiels et les élections en Amérique latine
Dario Rodríguez, Sciences-Po Paris
Germán Culow, Université libre de Bruxelles
Depuis quelques décennies, le vote est devenu le fondement de la légitimité démocratique par excellence de l'autorité politique en Amérique latine. Les élections se présentent ainsi comme le dispositif central de l'organisation institutionnelle de la vie démocratique. La procédure électorale se consolide en marquant une rupture évidente avec la logique du pendule civico-militaire en vigueur pendant une bonne partie du siècle passé. Mais si l'interventionnisme militaire semble aujourd'hui révolu, des ruptures de la normalité démocratique inédites peuplent le paysage politique latino-américain. Comment expliquer ces nouvelles situations de crise? Mettent-elles en danger la démocratie? C'est à dire, même si elles ne supposent pas un questionnement du type de régime, sont-elles une source d'instabilité démocratique dans la région? Dans ce contexte, il est aussi évident qu'on assiste à un processus de personnalisation des liens de représentation politique revalorisant la place des leaderships présidentiels comme source d'identification citoyenne. Comment examiner ces changements dans la vie politique latino-américaine ? Quelles sont les conséquences par rapport à la vie démocratique? En privilégiant une stratégie méthodologique comparative, centrée sur la réalisation d'enquêtes de terrain, cette section a comme objectif l'analyse et l'interprétation de la vie politique institutionnelle latino-américaine dans le cadre de la crise du « virage à gauche » dans la région.
Atelier 9 - Le clivage droite / gauche à l'épreuve du discours politique en Amérique latine
Yeny Serrano, Université de Strasbourg
Ricardo Peñafiel, Université du Québec à Montréal
Le discours politique est un lieu de conflictualité, il institue tant les divisions que les rassemblements. En partant de ce postulat de l'analyse du discours, on voudrait ici revenir sur l'efficience du clivage droite / gauche pour étudier la réalité politique latino-américaine : cette ligne de partage peut-elle être transposée à cette région du monde et que recouvre ces deux notions dans le sous-continent américain ? Plus généralement, quelles sont les différentes conceptions de la gauche et de la droite qui coexistent en Amérique latine et quels sont les mots pour dire le clivage ? De même que le populisme, le couple droite / gauche se caractérise par sa grande plasticité ; lieu par excellence de la conflictualité, il s'adapte et se voit redéfini selon les pays et les époques. En privilégiant un travail sur corpus, ce panel a l'ambition d'analyser les significations de ce clivage dans le cadre du « virage à gauche » de l'Amérique latine à partir des années 2000.