Pour le Comité permanent R, l’année 2013 a été marquée par deux événements tout à fait différents, mais chacun à leur manière importants pour l’organisation. Le premier événement fut son vingtième anniversaire. C’est en effet le 24 mai 1993 que le Comité permanent de contrôle des services de renseignement et de sécurité a vu le jour. Cet anniversaire ne pouvait pas passer inaperçu. C’est ainsi que nous avons rédigé un ouvrage de plus de 500 pages intitulé «Regards sur le contrôle». Cet ouvrage aborde pour ainsi dire tous les aspects du contrôle démocratique des services de renseignement. Tous les acteurs d’hier et d’aujourd’hui ont également apporté leur pierre à l’édifice en donnant leur vision du contrôle. Ce livre a été présenté comme il se doit au Sénat, sous les auspices de
sa présidente.
S’il ne fallait retenir qu’un seul élément, ce serait qu’en vingt années
d’existence, le Comité permanent R a acquis ses lettres de noblesse dans notre système démocratique. Le Comité est devenu une organisation qui veille au fonctionnement concret des services de renseignement et qui, avec ses rapports et ses recommandations, fournit une contribution essentielle au débat sur les tâches et les compétences de ces services. Tout ceci n’a été possible que grâce à l’engagement et à l’expertise de tous ceux qui travaillent ou ont travaillé pour le Comité permanent R, quelle que soit leur fonction au sein de l’organisation.
Le Comité permanent R d’aujourd’hui ne ressemble certes plus à l’organe de contrôle de 1993, et ce en raison des nombreuses modifications de la législation et d’une meilleure compréhension de la pratique. S’il s’agissait parfois de «retouches» techniques, certains changements ont considérablement modifié l’aspect du Comité et ses processus de travail. Et cette évolution n’est pas terminée, comme le démontre la loi du 6 janvier 2014. En effet, avec la réforme du Sénat qui fait suite à la sixième réforme de l’État, l’interlocuteur du Comité au Parlement est devenu, depuis les élections du 25 mai 2014, la «Commission chargée de l’accompagnement du Comité permanent P et du Comité permanent R» à la Chambre des Représentants, qui contrôlera à la fois les services de police et de renseignement. Et ce n’est pas tout: dans la nouvelle composition de cette commission, les présidents de tous les groupes politiques se voient dorénavant attribuer un siège et pourraient également prendre connaissance d’informations classifiées. L’avenir nous dira quelle influence ces modifications auront sur le contrôle parlementaire.
L’autre événement marquant de 2013, qui a surtout animé le second semestre, est qu’Edward Snowden, ancien collaborateur d’un service de renseignement américain, est parvenu à copier des dizaines de milliers de documents extrêmement sensibles de la National Security Agency et à les communiquer à des journalistes. C’est ainsi que sont parus à plusieurs reprises des articles de presse interpellants, relatant l’interception massive de données à l’échelle mondiale ainsi que l’espionnage économique et politique par les services de renseignement américains et britanniques. Il est évident que la communauté internationale du renseignement a été sérieusement ébranlée par ces révélations. Celles-ci ont également donné lieu à des enquêtes parlementaires, judiciaires et de renseignement dans le monde entier, y compris en Belgique. Dans ce cadre, le Comité permanent R a ouvert pas moins de quatre enquêtes.
Que des grandes puissances disposent de moyens et de programmes sophistiqués pour intercepter massivement des données n’était pas une révélation en soi. Ce qui l’était en revanche, c’était le caractère universel et massif de ce recueil électronique d’informations, pour lequel les logiciels et le matériel les plus en pointe ont été utilisés et pour lequel des moyens humains et financiers sans précédent ont été déployés. Le second élément nouveau était qu’il est apparu de plus en plus clairement que des grandes puissances n’ont pas hésité à mener des activités d’espionnage de nature politique et économique à l’égard de «pays amis », en interceptant des données de manière massive ou ciblée. Les dirigeants, les services de renseignement, mais aussi les dépositaires du contrôle, devront en tirer les leçons qui s’imposent.
Guy Rapaille,
Président du Comité permanent de contrôle des services de renseignement et de sécurité
Le 1er juin 2014