Résumé:
Le retrait unilatéral américain de l’accord nucléaire du 14 juillet 2015 (JCPOA), annoncé par Donald Trump le 8 mai 2018 a surpris ses co-signataires et la communauté internationale par le caractère radical de cette rupture et de sa mise en œuvre : l’OFAC annonce le même jour le retour des sanctions nucléaires (assorti de brefs délais de retrait wind-down de 90 ou 180 jours). Les entreprises opérant en Iran sont comme «prises en otage». Chacun s’attendait plus ou moins à une «décision négative», certains ayant tablé sur une manoeuvre américaine visant soit à faire constater que Téhéran a violé l’accord, soit à contraindre l’Iran à se retirer de ce dernier que Washington, à force de pressions et sanctions, aurait vidé de sa substance. Mais bien peu avaient anticipé un scénario aussi extrême que celui qui se déroule. Un retrait non prévu dans le JCPOA. Certains gouvernements européens s’indignent d’être traités comme des «vassaux», protestent contre l’extraterritorialité américaines et (se) promettent de mettre en place des moyens de défense, voire de rétorsion.
Passée la stupeur, une nouvelle séquence s’ouvre avec la tentative désespérée de «sauvetage» du JCPOA par les E3 (les trois européens signataires) plus la Russie et la Chine dans une négociation au forceps pour obtenir de la République Islamique qu’elle reste dans l’Accord (respecte ses obligations) en échange d’assurer le rétablissement de relations commerciales, bancaires et financières des européens avec l’Iran, de protéger entreprises et banques européennes contre toute sanction ou représailles américaines, de mettre en place des outils de financement publics (notamment par des institutions bancaires européennes dont la Banque Européenne d'Investissement). La mise en place des instruments envisagés est longue et complexe, et leur efficacité incertaine, mais surtout ces mécanismes requièrent d’être accompagnés d’une volonté politique résolue. Or l’Europe est divisée. Aussi, l’Iran a sommé (sous peine de retrait impliquant une reprise de l’enrichissement d’uranium à 20%) les parties restantes du JCPOA de proposer sous quelques semaines des mesures pratiques efficaces et d’offrir à Téhéran des garanties sérieuses. Le Guide Suprême a posé ces exigences comme condition du maintien de l’Iran dans l’accord. Un exercice périlleux pour une Europe que le président américain s’emploie à affaiblir et diviser, favorisant ses alliés du Moyen-Orient (Israël, Arabie Saoudite, Émirats) et plus intéressé par d’autres enjeux bilatéraux (Corée, Chine, Russie…).
Michel Makinsky, directeur général d’AGEROMYS INTERNATIONAL, société qui assiste les entreprises opérant ou voulant exercer en Iran, est aussi enseignant/chercheur : collaborateur scientifique de l’Université de Liège , conférencier invité dans de multiples séminaires français et étrangers. A publié de nombreux articles dans Politique Etrangère, les Cahiers de l’Orient, Défense Nationale, Outre-Terre, les Clés du Moyen-Orient, etc. A dirigé deux ouvrages collectifs : l’Iran et les grands acteurs régionaux et globaux, l’Harmattan 2012; l’Economie de l’Iran au-delà des chiffres, l’Harmattan 2014.